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La grande Borne/Chanteloup- Emille Aillaud

Le logement social devient la préoccupation majeure d'Emile Aillaud et il réalise à partir des années 1960 plusieurs cités et grands ensembles très originaux. Influencé par l'architecture moderne des pays scandinaves et opposé aux principes de la Charte d'Athènes, il tente d'introduire d'autres valeurs que celles dictées par les exigences fonctionnelles. Refusant la logique « effrayante » du chemin de grue, il postule pour une vision plus poétique et culturelle de l'architecture et recherche des solutions novatrices et humaines.


Édifiée alors que s’aiguisait la critique contre les premières opérations de construction de grands ensembles d’après-guerre, dont l’ampleur le disputait souvent à la monotonie, la Grande Borne se voulait une réponse humanisée et poétique au problème du logement social de masse en même temps que la cité de l’enfant. Connue pour la mise en couleur des façades des bâtiments qui la composent, la Grande Borne emprunte ses teintes, selon les vœux de ses concepteurs, à ces ciels de traîne si caractéristiques de l’Île-de-France.


L'architecte critiqué sur la vision trop esthétique et poétique de la cité répond:

“Le futile sérieux, dit-Aillaud, a fait perdre de vue aux architectes l’essentiel qui n’est pas de construire un bâtiment qui n’amuse qu’eux, mais de créer un monde apte à être habité”. Apte à être habité : je crois que ce programme, d’une exigence et d’une simplicité lapidaires, a été amplement rempli à la Grande Borne. Il reste aux responsables administratifs à transformer cette “aptitude” en réalité, et pour cela l’architecte a tout mis en place et ne peut être pris en défaut. Et qu’on ne vienne pas nous dire que les “transplantés des bidonvilles” et les “déportés du XIIIe arrondissement” n’ont “rien à foutre” de Rimbaud et de Kafka en effigie sur les pignons, ni de l’okapi qui glisse une tête curieuse le long d’un mur, ni des fruits géants posés çà et là sur les places et les espaces verts. Pour la raison bien simple que ni Rimbaud, ni Kafka, ni l’okapi n’ont rien - mais absolument rien - à voir avec l’absence du téléphone, la pénurie des crèches et l’éloignement du chemin de fer.


« Qu’ont-ils à faire de Rimbaud, ces immigrés qui partent à pied prendre le train de Juvisy, à cinq heures du matin ? Rien, bien sûr, sinon que ce n’est pas Rimbaud qui les prive d’autobus ou de bureau de tabac. Je ne peux pas ouvrir un café à la Grande Borne pour que ce soit plus gai. La seule chose que je puisse faire, c’est, à tout hasard, d’offrir Rimbaud en plus de l’HLM. »


 


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